Aurélie Delahaye, des rivages, des couleurs …

IMG_2744Des rivages. Ceux d’un fleuve. Ceux d’un océan. Bercées dans le souffle atlantique, et baignées de soleil, des rues en pente qui traversent des murs en couleur chargés d’histoire et un tramway jaune devenu culte. Et puis au loin, un grand pont rouge qui donne à cette ville des airs de San Francisco d’Europe.  Oui, vous avez bien deviné, nous voici à Lisbonne, ville mythique au regard tourné vers l’océan qui vit sillonner dans ses eaux les plus grands explorateurs que furent Bartolomeu Dias, Magellan ou Vasco de Gama.  Cette grande cité maritime, votre serviteur, pourtant passionné de mer & de bateaux, n’y a jamais mis les pieds.

Rescapée de la dictature au mitan des années 70, Lisbonne a depuis plongé corps & âme dans le monde libéral cédant sans presque réagir aux sirènes du tourisme et de la promotion immobilière rampante, et chassant de ses ruelles historiques, son cœur battant : Les lisboètes eux-mêmes, dépossédés de leur ville natale. Et abandonnant la ville à des flots ininterrompus de touristes faisant de la capitale lusophone, l’une des plus visitées d’Europe.

Accordons-nous sur cette idée : voici un thème bien casse-gueule pour un roman car pouvant vite dégénérer dans le pamphlet « café du commerce » un peu vain : les touristes sont des ploucs et l’argent c’est le diable. On n’ira pas très loin avec cela et surtout on ne parviendra jamais à vraiment s’entendre. A l’inverse, si l’on s’attache aux gens qui font cette ville Soleil, si on leur emboîte le pas, si l’on essaie de comprendre leurs histoires, leur passé et leur désir d’avenir, alors peut-être parviendrons-nous à mieux saisir cette ville qui se transforme, pour le meilleur ET pour le pire, entre défiguration et modernisation.

A la suite de Menino, Joséphine, Nuno, Rosa et tant d’autres, l’auteure nous embarque dans une folle cavalcade, nous embarquant pour une virée à la fois courageuse et solidaire. Comment se réapproprier une ville qui ne vous appartient déjà plus ? Comment lutter contre l’ogre AirBnB qui a dépeuplé l’Alfama, le cœur historique de Lisbonne ? A la fois roman choral et épopée urbaine, le premier roman d’Aurélie Delahaye sonne toujours juste puis qu’il résonne à la fois d’un message simple et humaniste. Restituant parfaitement l’âme de la ville et de ses habitants, à la fois mélancolique, poétique et résignée, pleine de charme finalement, l’auteure façonne un conte au son des fados qui tient à la fois de l’utopie et du réalisme. Célébrant avec beaucoup de talent à la fois le souvenir et la mémoire de la capitale portugaise, désormais bien ancrée dans le monde d’aujourd’hui.

L’écriture de l’auteure découverte l’an dernier dans son récit « Embrasser l’inconnu » (Editions Anne Carrière, 2019) trouve dans ce premier roman un ton léger et aérien pour s’accommoder avec grâce et délicatesse d’un sujet assez difficile. Il n’en faut pas plus pour que j’appelle cela de l’intelligence d’écriture. Ce qui fait que 250 pages durant, j’ai eu l’impression moi aussi de sillonner les ruelles de l’Alfama et d’être pris quelques heures durant dans les couleurs des Azulejos et les odeurs de l’Atlantique, me délectant également du plaisir évident que l’auteure a eu à nous raconter cette histoire, dans une ville si chère à son cœur.

Mené tambour battant, le coude à la portière et les cheveux au vent, un premier roman parfaitement maîtrise qui sera parfait pour les beaux jours de déconfinement qui nous viennent,

Donne-moi la main Menino d’Aurélie Delahaye aux Editions Anne Carrière, 2020, 

Une réflexion sur “Aurélie Delahaye, des rivages, des couleurs …

  1. Lisbonne est une ville pour laquelle je pourrais tout quitter dans l’idée d’y vivre. Je m’y sens incroyablement bien et étrangement chez moi. Alors ce titre m’attire tu t’en doutes.

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