Lola Lafon, pour Elle(s)

« Un symbole, mais de quoi ? De l’adolescence ? De la Shoah ? De l’écriture ? »

Elle fut un symbole bien sûr. Celui de l’enfance martyre qu’on assassine. Puis elle devint mythe. Elle fut célébrée, vénérée, adulée même si le mot peut paraitre choquant la concernant. A vrai dire, j’ai même pensé aux mot « égérie féministe » ou « idole ». L’égérie, idole de toute une jeunesse, de toutes ces jeunes filles surtout, qui depuis 75 ans, ont lu et ont été émues par ce qui reste une expérience de lecture fondamentale pour tout lecteur. Je veux bien entendu parler du Journal d’Anne Frank.

« Si la mémoire s’étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps »

C’est à elle que souhaite rendre hommage Lola Lafon dans son dernier texte qui relate la nuit que l’auteure a passé au sein même de l’Annexe, ce réduit de quelques dizaines de mètres carrés, où Anne Frank et sa famille se cachèrent durant près de 24 mois pour échapper aux nazis. Découverts, ils seront tous déportés et seul Otto Frank, le père, rentrera vivant des camps pour vouer sa vie entière à faire vivre la mémoire de sa fille écrivaine.

« Anne n’œuvrait pas pour la paix. Elle gagnait du temps sur la mort en écrivant sa vie »

Passer une nuit dans l’Annexe dans cette ambiance de recueillement, c’est se confronter au silence et affronter l’absence, d’une manière telle que l’auteure ne parvient pas à pénétrer dans la chambre d’Anne Frank. Puisqu’au sein même de l’Annexe, ce sont aussi des souvenirs plus personnels de l’histoire de l’auteure qui ressurgissent, entre France et Roumanie ; Une histoire personnelle tourmentée et riche, à la croisée des chemins culturels entre l’Europe occidentale et les anciens pays du Bloc de l’Est. Mais une histoire aussi très tôt confrontée à l’intolérance, à l’antisémitisme, au déracinement, à la difficulté de s’intégrer, et à ces absents que l’on ne nomme pas toujours. Quand il ne s’agit pas de faire face à la culpabilité des survivants, de s’interroger sur sa judéité, sur sa propre identité et sur les dettes mémorielles dont elle a hérité.

« L’histoire qu’on ne dit pas tourne en rond, jamais ponctuée, jamais achevée »

J’ai beaucoup aimé ce texte qui redonne vie et chair à Anne Frank en tant qu’écrivaine à part entière et contribue je pense à la détacher de son statut parfois pesant et sentimentaliste d’enfant martyre en en proposant une mise en perspective mémorielle passionnante et très documentée.

J’ai aimé raviver de vieux souvenirs de lecture du Journal, les compléter, les raviver et me dire que définitivement j’avais hâte que mes enfants puissent découvrir ce texte fondamental.

Et accompagner cette redécouverte de l’histoire d’Anne Frank par la découverte d’une auteure que je lisais pour la première fois et qui a clairement suscité chez moi l’envie de découvrir ses autres textes.

« Il n’y aura jamais assez de vivants pour répondre aux morts 

Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon aux éditions Stock dans la collection Ma nuit au Musée

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